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Approcher le premier du mois en contexte de pandémie pour les propriétaires et locataires commerciaux

Le 16 avril, le Premier ministre Trudeau a annoncé une nouvelle mesure visant à soutenir les petites entreprises qui ont du mal à acquitter leur loyer mensuel. Le programme d’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) sera un partenariat entre les gouvernements fédéral et provinciaux pour offrir des prêts-subventions aux propriétaires de locaux commerciaux, qui pourront ensuite transmettre ces ressources à leurs locataires exploitant de petites entreprises pour les mois d’avril (rétroactivement), mai et juin.

Ce programme est considéré comme essentiel pour les propriétaires et les locataires qui ne voient aucun moyen concret de percevoir ou de payer un loyer en cette période exceptionnelle. Le 24 avril, le Premier ministre a clarifié les détails du programme, expliquant qu’il consisterait en des prêts-subventions aux propriétaires couvrant 50 % des paiements de loyer prévus, à condition que les propriétaires offrent une réduction de 75 % du loyer à leurs locataires exploitant de petites entreprises admissibles. Pour être éligibles, les petites entreprises doivent payer un loyer de moins de 50 000 $ par mois et avoir temporairement cessé leurs activités ou avoir subi une baisse d’au moins 70 pour cent de leurs revenus depuis l’éclosion de la COVID-19. Le programme est également disponible pour les organismes à but non lucratif et pour les organisations caritatives.

Bien que positif, le programme n’est pas une solution définitive, et les propriétaires et locataires continueront à se démener pour trouver des solutions pour le paiement des loyers pour les mois à venir. Nous avons dressé ci-dessous une liste d’éléments utiles à prendre en compte par les propriétaires de commerces pour gérer le paiement des loyers pendant que l’économie reste en pause.

Révisez vos baux

La première chose à faire pour évaluer la façon de procéder est de vérifier les clauses de force majeure et d’assurance contre les pertes d’exploitation de son bail. Comme nous l’avons longuement évoqué dans notre précédente lettre d’information sur le sujet, ces clauses, qui sont souvent incluses dans les formulaires standards des baux commerciaux, peuvent avoir un impact énorme sur les obligations des propriétaires et des locataires dans le contexte de situations inattendues. Bien que les tribunaux n’aient pas encore conclu si la COVID-19 constitue effectivement un cas de force majeure, la formulation spécifique de ces clauses peut, dans certains cas, clarifier l’obligation existante d’un locataire de payer ou de ne pas payer le loyer dans des situations telles que celle-ci.

En outre, si un bail comporte l’obligation de souscrire une assurance contre les pertes d’exploitation, malgré l’arrêt économique, il devrait, dans la plupart des cas, s’avérer qu’un locataire dispose des ressources et de la structure nécessaires pour continuer à remplir ses obligations.

Examinez la situation au cas par cas

Si le bail lui-même ne précise pas les obligations du locataire ou du propriétaire, et qu’un locataire cherche à obtenir un allègement de son obligation de payer le loyer, le propriétaire devrait adopter une approche au cas par cas pour décider de la marche à suivre.

De nombreuses options s’offrent aux propriétaires, ils peuvent renoncer entièrement au loyer, offrir un rabais ou proposer un plan dans lequel le paiement total ou partiel est reporté jusqu’à ce que le locataire soit dans une situation financière plus stable. La décision que prendra le propriétaire dépendra de plusieurs facteurs, notamment l’échéancier de rétablissement financier du locataire et la probabilité qu’il soit en mesure de rembourser un prêt dans le futur, sa capacité actuelle à gagner un certain revenu et son admissibilité aux autres prestations gouvernementales en place pour les entreprises. Il est également important que les propriétaires fassent le point sur leurs propres obligations, telles que le paiement des taxes et impôts et les responsabilités en matière de prêt, et s’assurent d’être en mesure de les remplir.

Compte tenu des circonstances, il est peu probable qu’une approche rigide soit bénéfique aux propriétaires, car les locataires ont peu de contrôle sur leurs finances. L’expulsion des locataires pour défaut de paiement du loyer n’est pas une avenue utile : les propriétaires doivent reconnaître que la possibilité de trouver un locataire plus fortuné en cette période est à peu près nulle. Il est donc préférable de négocier avec les locataires pour trouver un arrangement mutuel, réalisable, afin que tous puissent revenir à la normale.

Laissez-nous vous aider à trouver une solution

Naviguer au travers de ces conversations et de ces décisions compliquées n’est pas chose facile et il y a beaucoup d’éléments fondamentaux à garder à l’esprit. Les propriétaires doivent s’assurer que les ententes temporaires et tous les documents y afférents sont clairs et ne risquent pas de modifier de façon permanente leur bail original. En outre, la confidentialité de ces discussions est essentielle pour protéger les informations financières de toutes les parties et pour éviter une situation où quelques locataires compareraient leurs situations sans disposer de toutes les informations nécessaires.

Comme toujours, notre groupe de Droit des affaires est heureux de vous aider à relever les défis auxquels vous êtes confrontés en ces temps particuliers. N’hésitez pas à nous contacter.

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Auteurs

Herbert Z. Pinchuk

Avocat, associé

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