Les inspecteurs municipaux sont des acteurs clés pour assurer une surveillance quotidienne de ce qui se passe sur leur territoire. En effet, ce sont eux qui, tout en respectant les pouvoirs conférés par les règlements, documentent, mobilisent et structurent la preuve nécessaire à l’égard de tous gestes dérogatoires et de potentielles infractions municipales. Ils ont l’énorme responsabilité d’amasser la preuve nécessaire pour démontrer la véracité des contraventions réglementaires portées à leur connaissance, tout en étant dans les limites des pouvoirs et du respect des droits et libertés fondamentaux des contrevenants.
Les tribunaux reconnaissent la pertinence des pouvoirs d’inspection conférés aux municipalités, mais demandent une prudence constante dans l’utilisation de ceux-ci. Bien que ces pouvoirs soient constitutionnels, la Cour d’appel, dans l’affaire Amzallag c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, 2018 QCCA 1439, avise qu’ils ne sont pas illimités et sans risques.
Malgré toutes les preuves que l’inspecteur doit recueillir dans le cadre de ses fonctions et, par le fait même, qui justifient une inspection d’une résidence privée, ce dernier ne peut jamais violer les droits fondamentaux d’une personne. Aucune inspection d’une résidence ne doit être abusive et injustifiée, eu égard au contexte, aux règlements et aux chartes. Une preuve serait écartée par un juge lorsque colligée de manière injustifiée, incohérente et abusive.
Une inspection d’une résidence privée est bel et bien une intrusion à la vie privée du contribuable et cette violation doit être justifiée en faits et en droit.
Pour redoubler de prudence avant une inspection, il est important de se rappeler les limites à respecter. Le Code municipal du Québec, à son article 492, octroie le pouvoir aux municipalités d’adopter tous règlements qui permettent au Service d’urbanisme d’effectuer des visites résidentielles.
Les inspections autorisées à même les règlements ne permettent en aucun temps de faire fi, sans raisons ni motifs valables, de contrevenir aux droits protégés par les chartes. Voici quelques droits que l’on retrouve à la Charte des droits et libertés de la personne :
5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. 6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi. 7. La demeure est inviolable. 8. Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite. |
Dans l’affaire Ville de Montréal c. Abenson, 2022 QCCM 8, l’inspecteur n’avait pas pris rendez-vous avec le citoyen ni donné un préavis raisonnable avant de venir visiter la résidence. Le juge a mentionné que les inspections qui sont faites à l’improviste sont pertinentes et permises pour assurer le respect de la réglementation municipale, mais elles ne doivent être faites qu’en situation pertinente et/ou en présence d’une urgence.
Le juge mentionne l’importance de l’équilibre entre la violation des droits de la collectivité et la violation des droits individuels des citoyens et citoyennes. Dans cette affaire, le propriétaire avait refusé l’accès à sa résidence et demandait un préavis raisonnable. Le tribunal lui a donné raison.
En somme, inspecter une résidence privée est une violation à la vie privée mais qui est justifiée lorsque le contexte le demande et que l’inspecteur agit dans les limites des pouvoirs conférés dans ses règlements. Les inspections qui seraient dérogatoires, injustifiées et abusives peuvent faire l’objet d’un pourvoi en contrôle judiciaire, d’où l’importance de documenter tous les faits, le contexte et les gestes posés par le fonctionnaire mandaté. De plus, la preuve obtenue illégalement pourrait ne pas être admissible en preuve.
Dans le doute, n’hésitez pas à avoir recours à un conseiller juridique.