Le 12 janvier 2022, dans Crooks c. Nguyen, 2022 QCCS 55, la Cour supérieure accorde une réduction du prix de vente de 115 000 $ et 14 600 $ de dommages moraux aux acheteurs d’une maison affectée de plusieurs vices. Cette décision permet quelques rappels importants en matière de garantie de qualité du vendeur.
La réclamation porte sur une maison unifamiliale, construite en 1967, que les acheteurs ont acquise à l’automne 2015. Dans les semaines suivant l’achat de la maison, les acheteurs ont commencé des travaux de rénovation, pendant lesquels plusieurs problèmes affectant l’intégrité de la maison sont apparus : infiltrations d’eau, contamination du sous-sol, électricité, plomberie non conformes et problèmes de structure. C’est dans ce contexte que les acheteurs ont intenté un recours en vices cachés contre les vendeurs.
Parmi les éléments ayant mené le juge à condamner les vendeurs, nous retiendrons ce qui suit.
Prudence des acheteurs
La détermination du caractère apparent des vices, au cœur de toute action fondée sur la garantie de qualité du vendeur, conduit à analyser le comportement des acheteurs, eux-mêmes tenus à une obligation de prudence dans leur examen du bien. Le juge nous rappelle ici que bien qu’il ne soit pas toujours nécessaire de procéder à une inspection préachat, la présence d’indices de l’existence d’un vice doit conduire un acheteur prudent à recourir à un expert pour procéder à un examen plus poussé (Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79, par 44, 46; Paulin c. Gauthier, 2014 QCCA 1897, par 4).
Or ici, avant l’achat, non seulement les acheteurs ont procédé à une inspection préachat, mais ils ont également retenu les services d’un entrepreneur général pour faire évaluer le coût des travaux.
Mais ni l’inspecteur préachat ni l’entrepreneur général n’ont remarqué la présence des vices. L’inspecteur a bien noté la présence de fissures au sous-sol, mais ses seules recommandations à cet égard se limitaient à les colmater et à en surveiller l’évolution. Il recommandait également de faire vérifier l’état du drain français, ce que les acheteurs ont fait. Rien, dans le rapport d’inspection, ne permettait aux acheteurs de soupçonner l’existence de vices de l’ampleur qu’ils ont constatée.
Les vendeurs ont néanmoins tenté de faire valoir que la simple mention de la présence de fissures dans le rapport d’inspection constituait un indice d’infiltration d’eau dont les acheteurs auraient dû tenir compte. Ils ont également allégué que l’entrepreneur aurait dû déceler les problèmes de non-conformité du système électrique au cours de sa visite.
Mais le juge rejette ces prétentions et conclut que les acheteurs avaient été prudents dans leur examen de la maison.
Par la même occasion, il rappelle qu’il ne faut pas confondre le mandat de l’inspecteur préachat avec l’obligation de prudence des acheteurs. Autrement dit, on ne peut reprocher aux acheteurs le fait que les professionnels qu’ils ont mandatés n’aient pas eux-mêmes décelés les vices.
Fausses représentations des vendeurs
Les problèmes d’infiltration d’eau étaient connus des vendeurs. Ceux-ci ont non seulement omis de déclarer le problème aux acheteurs, mais ils semblent en plus s’être prêtés à un véritable exercice de dissimulation. En effet, le jugement fait état de divers travaux de camouflage et de manœuvres de la part des vendeurs, qui auraient sciemment déclaré aux acheteurs que la maison n’avait jamais présenté de problèmes d’infiltration d’eau alors qu’ils avaient connaissance de plusieurs problèmes survenus au fil des années.
Le juge applique ici la théorie des « vices juridiquement cachés » : en bref, lorsqu’un vendeur omet de divulguer certains faits ou fait de fausses représentations qui rassurent l’acheteur, un vice, même apparent, est juridiquement considéré comme caché.
Ainsi, même s’il y avait eu des indices apparents de problèmes d’infiltration d’eau, les manœuvres dolosives des vendeurs auraient fait de toute façon fait obstacle à ce que ce vice puisse être considéré comme apparent aux yeux des acheteurs.
Qui plus est, en raison de ces fausses représentations, le juge a condamné les vendeurs à verser 14 600 $ de dommages moraux aux acheteurs.
Dénonciation des vices
Enfin, la décision rappelle l’étendue des obligations des acheteurs en matière de dénonciation des vices (Art 1739 CcQ). L’objectif de la dénonciation écrite est de permettre à un vendeur de vérifier l’existence du vice, son étendue et les dommages, mais également lui offrir l’occasion d’y remédier ou de contrôler les coûts de réparation.
Dans cette affaire, pas moins de quatre avis de dénonciation écrits ont été envoyés aux vendeurs, au fur et à mesure de la découverte des vices, comme la loi l’exige. Toutefois, le premier avis a suscité une attention particulière du juge. En effet, dès la découverte des infiltrations d’eau au sous-sol au mois de septembre 2015, les acheteurs ont envoyé aux vendeurs le premier avis de dénonciation écrit qui leur accordait sept jours pour venir constater l’étendue et la gravité des vices.
Toutefois, les vendeurs étaient à l’étranger et les acheteurs ont refusé d’attendre leur retour. Ils ont procédé aux travaux de réparation des fissures et du drain français à peine une dizaine de jours après l’envoi de l’avis. Les acheteurs ne justifiaient pourtant d’aucune urgence particulière, autrement qu’en invoquant que l’expert qu’ils avaient mandaté leur recommandait de procéder aux travaux avant l’hiver. Ils n’encouraient pas non plus de préjudice additionnel à attendre le retour des vendeurs.
Le juge conclut que les acheteurs, en procédant aux travaux avant de permettre aux vendeurs de venir constater les vices, ont privé ces derniers de leur droit de vérifier la cause des infiltrations d’eau. Ce faisant, ils n’ont pas respecté leurs obligations en matière de dénonciation.
Cependant, le juge déduit de la nature du vice que les infiltrations étaient antérieures à la vente et que les vendeurs — qui connaissaient l’existence des infiltrations d’eau avant la vente — avaient de toute façon déjà été en mesure d’en évaluer l’étendue et le coût.
Le manquement des acheteurs quant à ce premier avis n’aura donc finalement pas eu d’incidence sur leur réclamation. Mais leur impatience aurait pu leur coûter cher dans d’autres circonstances : il demeure donc utile de rappeler, comme le fait ici le juge, que le défaut de dénoncer les vices aux vendeurs peut s’avérer fatal aux recours en vices cachés.