Le 6 avril, la Cour d’appel du Québec rendait sa décision dans SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Deguise, 2020 QCCA 495.
Compte tenu de l’importance de cette décision tant pour l’industrie de la construction que pour celle de l’assurance, RSS a entrepris de brosser un portrait des règles qui y sont illustrées. Le présent texte constitue un des volets du tableau complet que l’on trouvera ici. |
Dans l’affaire SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Deguise, les assureurs excédentaires Northbridge et AIG ont plaidé que la clause de non-cumul prévu dans le contrat d’assurance était applicable aux faits en l’espèce. La Cour d’appel a rejeté l’argument et a ainsi retenu l’analyse du juge de première instance. Il est à noter que seules les dispositions de la police de AIG ont été analysées puisque celle de Northbridge était de type follow form et doit donc suivre les stipulations de la police de AIG.
La clause en litige se lisait comme suit :
1. ASSURANCE ANTÉRIEURE ET DE NON-CUMUL DE RESPONSABILITÉ
Il est convenu que, si une perte est également couverte en tout ou en partie par toute autre police excédentaire émise à l’Assuré avant la date de création des présentes, la limite de responsabilité de la Société, telle qu’énoncée au point I des déclarations, sera réduite de toute les sommes dues [à] l’Assuré en raison d’une telle perte en vertu d’une telle assurance préalable. [par 830; traduction libre] |
La Cour d’appel rappela que l’objectif de cette clause est de limiter le montant payable pour les dommages occasionnés par un seul évènement, et ce, même si les dommages surviennent sur plusieurs périodes assurables, lorsque les dommages sont attribuables à une même perte découlant d’un même évènement. Ainsi, le montant payable et disponible dans les polices subséquentes est réduit du montant payé par les polices antérieures.
Pour justifier l’application de la clause de non-cumul en l’espèce, les assureurs ont plaidé qu’il n’y a eu qu’un seul « événement » ayant causé une seule perte. Or, le terme « événement » incluait « une exposition continue ou répétée à des conditions, qui entraîne des dommages corporels ou matériels qui ne sont ni prévus ni prévus du point de vue de l’Assuré » [par 836; traduction libre].
Selon eux, tous les dommages matériels occasionnés par le béton sont considérés comme une seule et unique occurrence.
Dans le cadre de son analyse, la Cour supérieure se penche sur deux aspects : l’historique de la clause ainsi que les faits en litige.
Suivant l’interprétation américaine, la Cour estime que les clauses de non-cumul n’ont pas été élaborées pour être applicables dans un contexte où il y a plusieurs réclamations, plusieurs fautes alléguées contre les mêmes personnes, et plusieurs réclamations présentées par différentes personnes pour des dommages continus et progressifs à différents biens. De plus, suivant la doctrine américaine, lorsqu’un tribunal applique une méthode de répartition des dommages au prorata de la période de couverture d’assurance de chaque assureur, les clauses de non-cumul sont invalides.
Ainsi, en se basant sur les faits, la Cour détermine qu’il n’y a pas eu une seule perte et a rejeté l’argument à l’effet qu’il n’y a eu qu’une seule occurrence. En effet, plusieurs centaines de bâtiments appartenant à une multitude de propriétaires ont été affectés par des dégradations du béton de leur fondation. Ce béton a été acheté à deux bétonnières distinctes et été coulé à des dates différentes. De plus, la teneur de pyrrhotite était variable pour chaque coulée selon la veine rocheuse alors exploitée à la carrière B&B.
Bref, selon la Cour supérieure, les clauses de non-cumul n’ont pas été élaborées dans le but de s’appliquer dans un cas similaire à celui en cause.
La Cour d’appel fut d’avis qu’il n’y avait pas d’erreur manifeste et déterminante et a donc rejeté l’appel des assureurs sur ce point de droit.