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Projet de loi 56 — Réforme du droit de la famille et régime d’union parentale

L’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi n°56 intitulée Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale, lequel entrera en vigueur le 30 juin 2025. Cette initiative introduira le nouveau régime de l’union parentale visant les conjoints de fait étant parents d’un même enfant né ou adopté à partir du 29 juin 2025.

Principaux changements proposés

Création de l’union parentale

L’union parentale se formera dès que des conjoints de fait deviendront les parents d’un même enfant né ou adopté après le 29 juin 2025. Elle prendra fin par le décès de l’un des conjoints, par la cessation de la vie commune ou par le mariage ou l’union civile des deux conjoints ou par le mariage ou l’union civile de l’un d’eux avec un tiers.

Cette notion de conjoints de fait sera maintenant définie au Code civil du Québec alors qu’auparavant, les conjoints de fait n’étaient reconnus que dans les lois sociales et fiscales étatiques.

Mesures de protection

Les règles relatives à la protection de la résidence familiale et des meubles des époux s’appliqueront aux conjoints en union parentale avec les adaptations nécessaires, mais le législateur indique qu’elles ne subsisteront que pendant 120 jours suivant la cessation de la vie commune.

Patrimoine d’union parentale

Ce patrimoine d’union parentale comprendra les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui les garnissent ou les ornent et les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. Contrairement au patrimoine familial applicable aux époux, le patrimoine d’union parentale ne comprend pas les droits accumulés au titre d’un régime de retraite (fonds de pension et REER).

Tout comme pour les conjoints mariés, seront exclus d’un patrimoine d’union parentale les biens qui sont échus à l’un des conjoints par succession ou donation avant ou pendant la durée de l’union.

Les conjoints pourront modifier la composition du patrimoine d’union parentale pour y ajouter ou y soustraire des biens ou pour se retirer de l’application des dispositions relatives au patrimoine d’union parentale. Cette modification ou ce retrait devront être constatés par acte notarié en minute, sous peine de nullité absolue.

À la fin de l’union parentale, la valeur nette des biens composant le patrimoine d’union parentale sera partagée également entre les conjoints. Cette valeur nette est établie selon la valeur marchande du bien, à la date d’ouverture du droit au partage, en déduisant les dettes contractées pour l’acquisition, l’amélioration, l’entretien ou la conservation des biens qui le constituent.

Il faut également déduire de la valeur nette du patrimoine d’union parentale celle de l’apport fait par l’un des conjoints pour l’acquisition ou l’amélioration d’un bien de ce patrimoine ainsi que la plus-value acquise depuis l’apport, lorsque cet apport a été fait à même les biens suivants :

  • Les biens accumulés avant la constitution du patrimoine d’union parentale et qui n’en font pas partie;
  • Les biens du conjoint mineur accumulés avant sa majorité et qui ne font pas partie du patrimoine d’union parentale;
  • Les biens échus par succession ou donation avant ou pendant la durée de l’union;
  • Les fruits et revenus provenant des paragraphes 1) à 3);

Le remploi de l’un de ces biens donne également lieu aux mêmes déductions.

Prestation compensatoire

Le mécanisme de prestation compensatoire, déjà existant pour les conjoints mariés ou en union civile, sera aussi disponible aux conjoints en union parentale. En effet, à la fin de l’union parentale, un conjoint pourra dorénavant demander une compensation s’il croit s’être appauvri suite à ses contributions ayant enrichi le patrimoine de l’autre pendant le régime d’union parentale.

Il est toutefois important de noter que le législateur ne prévoit aucune obligation alimentaire entre les conjoints de l’union parentale, alors que cette obligation existe entre les conjoints mariés.

Dévolution légale

En matière successorale, le projet de loi permettra au conjoint en union parentale d’obtenir un droit à la dévolution légale successorale en cas de décès de l’autre. Pour que le conjoint survivant puisse faire valoir son droit, il faut que les conjoints aient fait vie commune pendant au moins un an avant le décès, et que le défunt n’ait pas rédigé de testament. Ainsi, le conjoint survivant recueillera un tiers de la succession et les enfants (enfants des conjoints en union parentale et enfants du défunt nés d’une union antérieure) recueilleront les deux tiers de la succession.

Il y a toutefois absence de survie de l’obligation alimentaire en cas de décès pour les conjoints en union parentale.

Protection contre les abus de procédure

En cas d’abus de procédure, le tribunal pourra condamner une partie à payer des dommages-intérêts. Pour se prononcer sur l’abus, le tribunal devra tenir en compte l’historique des procédures, leur nature répétitive et litigieuse, le déséquilibre entre les parties (notamment en raison de violence conjugale), ainsi que l’impact sur l’enfant.

Un ajustement aux réalités familiales d’aujourd’hui

Cette réforme était très attendue depuis l’arrêt Éric c. Lola[1] rendu par la Cour suprême en 2013 et constitue un pas vers la protection légale des conjoints de fait qui deviendront parents d’un enfant à compter du 29 juin 2025, ainsi que d’une adaptation du droit civil québécois aux réalités familiales de notre société d’aujourd’hui.

Considérant ces changements importants qui entreront en vigueur le 30 juin 2025, n’hésitez pas à consulter l’un des associés ou avocats de notre groupe de Droit de la famille si vous souhaitez obtenir plus d’informations à cet égard et déterminer dans quelle mesure ces changements impacteront votre situation.

[1] 2013 CSC 5.

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