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Achat d’un immeuble centenaire : des précautions s’imposent

Vous êtes à la recherche d’une maison et tombez sous le charme d’une résidence centenaire ? Assurez-vous de faire certaines vérifications avant de procéder à l’achat. Bien que la garantie de qualité s’applique peu importe l’âge de l’immeuble, les tribunaux sont généralement plus sévères envers les acheteurs d’un immeuble plus âgé. La Cour supérieure nous le rappelle dans sa récente décision, Auchinteck c. Gerkes, 2022 QCCS 2637.

Dans cette affaire, la demanderesse réclamait plus de 430 000 $ à son vendeur pour des dommages résultant de vices cachés affectant son immeuble acquis en 2004. Deux arguments principaux étaient soulevés par le défendeur à l’encontre de la demande, soit : le fait que la demanderesse avait été négligente en omettant de faire inspecter la propriété datant de 1910 et; l’absence de dénonciation dans un délai raisonnable. Le montant des dommages était également contesté.

Rappel des critères relatifs à la garantie de qualité

Le tribunal rappelle d’abord que le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont exempts de vices cachés le rendant impropre à l’usage auquel il est destiné. Pour avoir gain de cause, l’acheteur doit démontrer que le vice allégué :

  • N’était pas apparent pour un acheteur prudent et diligent;
  • Est sérieux;
  • Existait au moment de la vente;
  • Était inconnu de l’acheteur (ce qui est présumé).

Le tribunal poursuit en rappelant que la garantie légale ne couvre pas l’usure normale.

L’acheteur prudent et diligent d’un immeuble âgé doit procéder à un examen minutieux et s’attendre à ce que des réparations soient requises en raison de l’âge de la propriété. Il est présumé accepter l’usure normale et le fait que les normes de construction applicables n’étaient pas celles d’aujourd’hui.

Application aux faits

Compte tenu des circonstances mises en preuve, le tribunal conclut que les dommages allégués ne découlent pas de vices cachés, mais plutôt de l’usure normale. Il retient l’opinion de l’expert du défendeur, fondée sur le Manuel de l’évaluation foncière du Québec, qui établit la durée de vie utile des fondations et des éléments de structure à 100 ans. Considérant l’âge de la propriété (1910), les éléments de structure avaient atteint la fin de leur durée de vie utile.

Par ailleurs, le tribunal mentionne que même s’il en était venu à la conclusion que l’immeuble était affecté de vices, ceux-ci ne pouvaient être considérés comme étant cachés puisque la demanderesse n’avait pas agi comme un acheteur prudent et diligent. Compte tenu de l’âge de l’immeuble, une inspection aurait dû être demandée avant l’achat. La demanderesse se défendait en soulignant qu’elle avait été témoin des travaux majeurs faits par le vendeur, qui était alors son compagnon, entre 2002 et 2004, et qu’elle avait ainsi été rassurée quant aux faits que si des problèmes existaient, ils avaient nécessairement été corrigés durant ces travaux. Le tribunal n’a pas adhéré à cet argument.

Bien qu’il ne soit généralement pas nécessaire, pour être considéré comme un acheteur prudent et diligent, de recourir aux services d’un inspecteur, il existe certaines circonstances qui l’imposent, notamment en présence d’indices ou lorsque des problèmes antérieurs sont soulevés par le vendeur. Le tribunal est d’avis qu’un immeuble âgé de 100 ans constitue l’une de ces circonstances qui commande une inspection. Une telle inspection aurait pu alerter la demanderesse sur la nécessité de procéder à des vérifications additionnelles.

Absence de dénonciation dans un délai raisonnable

Même dans l’éventualité où le tribunal aurait conclu à l’existence de vices cachés, le recours de la demanderesse était voué à l’échec, considérant qu’elle avait omis de transmettre un avis de dénonciation au défendeur dans un délai raisonnable de la découverte, comme le prescrit l’article 1739 du Code civil du Québec.

L’avocat de la demanderesse avait transmis au défendeur un avis par courrier régulier en 2017, mais le tribunal a retenu la version du défendeur à l’effet qu’il ne l’avait jamais reçu. Ce n’est qu’au moment de la signification de la demande, à une autre adresse, qu’il avait pris connaissance des prétentions de la demanderesse. Or, à ce moment, les travaux correctifs étaient déjà complétés, privant le défendeur de son droit de constater les vices allégués et de les réparer.

Pour éviter une telle conclusion, il sera toujours préférable pour les acheteurs (ainsi que leurs assureurs et avocats, le cas échéant) de dénoncer le vice en temps opportun, et ce, par un moyen permettant de prouver la réception par le vendeur.

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