Le 6 avril, la Cour d’appel du Québec rendait sa décision dans SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Deguise, 2020 QCCA 495.
Compte tenu de l’importance de cette décision tant pour l’industrie de la construction que pour celle de l’assurance, RSS a entrepris de brosser un portrait des règles qui y sont illustrées. Le présent texte constitue un des volets du tableau complet que l’on trouvera ici. |
Environ 800 propriétaires de la région de Trois-Rivières ont intenté un recours en dommages et intérêts alléguant un vice majeur, soit le gonflement du béton, affectant les fondations de leurs propriétés. La responsabilité des entrepreneurs et coffreurs (pour la construction des maisons et des fondations), d’un géologue ayant réalisé certains rapports sur la qualité du granulat utilisé pour le béton des fondations de même que son employeur (SNC Lavalin), des bétonnières (CYB et BL) et la société exploitant la carrière de laquelle était extrait le granulat (B&B), de même que les assureurs de ces derniers était recherchée.
En première instance, certains assureurs (notamment Northbridge (Lombard) et AIG (Chartis) à l’encontre de Bellemare (actionnaire de BL) et CYB, ainsi que RSA pour certains entrepreneurs) plaidaient l’application d’une clause d’exclusion de couverture pour les dommages matériels découlant en partie ou en totalité de la pyrite ou d’agrégats contenant de la pyrite.
Northbridge avait ajouté cette exclusion au moyen d’un avenant dans la police de Bellemare pour la période du 1er décembre 2008 au 1er décembre 2009, ainsi que dans la police de CYB pour la période du 31 mars 2009 au 31 mars 2010. AIG avait ajouté une exclusion du même type pour la période du 1er décembre 2008 au 1er décembre 2009.
Or, la Cour supérieure a retenu que le gonflement du béton était causé par l’oxydation de la pyrrhotite présente dans le granulat utilisé pour les fondations de béton. En effet, la Cour retient de la preuve entendue que la seule cause des dommages est l’oxydation de la pyrrhotite, un minerai différent de la pyrite et ce, bien que les deux substances soient présentes dans le granulat : « Il s’agit d’une substance différente. Rien dans la preuve ne permet au Tribunal de conclure que les dommages découlent en tout ou en partie de la pyrite, bien au contraire. Le constat unanime des experts est à l’effet que les dommages sont causés par l’oxydation de la pyrrhotite » [SNC-Lavalin c. Deguise, par 845, citant le jugement de première instance, Deguise c. Montminy, 2014 QCCS 2672, par 1959]. Ainsi, la Cour supérieure a conclu que ces clauses d’exclusion ne pouvaient recevoir application.
La Cour d’appel a étudié la question de la clause d’exclusion soulevée par Northbridge à l’endroit de Trois-Rivières Cimentier inc. et soulevée par RSA (qui assurait sept entrepreneurs). Notons que la cause du gonflement, soit l’oxydation de la pyrrhotite, n’a pas été remise en question.
Pour les deux assureurs, la clause d’exclusion concernait les dommages occasionnés directement ou indirectement par la pyrite ou des matériaux contenant de la pyrite. Par ailleurs, tous deux plaidaient que la clause était claire et que dans la mesure où le béton ou la pierre ayant causé des dégradations contenait de la pyrite, l’exclusion devait s’appliquer.
La Cour d’appel a conclu que les clauses, lesquelles étaient rédigées de façon similaire dans les polices, contenaient une ambiguïté vu leur interprétation opposée par les parties appelantes et intimées. Faute de preuve quant à l’intention des parties au moment de l’ajout de l’avenant, la Cour a interprété l’ambiguïté en faveur des assurés, conformément à la règle en pareille matière. En somme, la Cour d’appel a conclu que les compagnies d’assurances n’ont pas rempli le fardeau de démontrer que la clause d’exclusion concernait à la fois les dommages à la pyrite et la pyrrhotite.