Bulletins

486

Qui doit être représenté par avocat? Gare aux sanctions!

En matière civile, les justiciables non représentés par un avocat sont de plus en plus nombreux devant les tribunaux québécois. Cette possibilité est expressément prévue à l’article 23 du Code de procédure civile (« C.p.c. »), qui permet à toute personne physique d’agir seule devant les tribunaux.

Ce droit connaît toutefois plusieurs exceptions, prévues à l’article 87 C.p.c., qui impose la représentation obligatoire par un avocat dans certaines situations, notamment, pour les plus connues, les personnes morales, les représentants d’actions collectives et les représentants, les mandataires ou les tuteurs de personnes inaptes. La règle s’applique également aux liquidateurs de successions, syndics et autres représentants d’intérêts collectifs. Le non-respect de ces règles peut entraîner la lourde sanction du rejet d’une procédure.

Dans l’affaire Racine c. Savoie, entendue le 10 juillet 2025 par la Cour d’appel, la partie défenderesse a plaidé avec succès l’application rigoureuse de ce principe d’ordre public dans un recours en responsabilité professionnelle.

La particularité de l’affaire tenait au fait que la demanderesse, une avocate de formation, prétendait agir non pas à titre de liquidatrice de la succession de son père — fonction dont elle disait avoir démissionné par acte notarié — mais uniquement à titre d’héritière. Elle soutenait donc que l’obligation d’être représentée par un avocat ne s’appliquait pas à elle.

La Cour d’appel a rejeté cet argument, concluant que le litige portait essentiellement sur des actes posés dans le cadre de la liquidation d’une succession. Elle a confirmé que l’obligation de représentation s’appliquait aussi à elle, malgré son titre d’avocate.

Dans un second jugement connexe rendu le 29 juillet 2025 (délai d’appel non-expiré), la Cour supérieure a par ailleurs déclaré que le recours intenté contre la notaire défenderesse, Me Savoie, était abusif, et ce depuis le 23 novembre 2019. Le tribunal a ordonné :

  • le remboursement complet des honoraires assumés par l’assureur de Me Savoie à compter de cette date;
  • le versement de dommages moraux à la défenderesse;
  • une compensation pour son temps perdu;
  • le remboursement d’une surprime d’assurance responsabilité payée.

Ces décisions rappellent que le défaut de représentation peut entraîner des conséquences sérieuses. Elles démontrent également que la représentation par un avocat joue un rôle important dans la prévention des recours abusifs.

En effet, le devoir de conseil de l’avocat comprend l’obligation d’aviser son client lorsqu’un recours est manifestement voué à l’échec — et d’en expliquer clairement les raisons.

486

Auteurs

Marika Douville

Avocate, associée

Articles dans la même catégorie

Le projet de loi 89 et l’avenir des conflits de travail au Québec

Adopté le 29 mai 2025 par l’Assemblée nationale, le projet de loi 89 (la Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out, ci-après la « Loi ») entrera en vigueur le 30 novembre 2025. Vigoureusement contestée par les syndicats, la Loi transformera significativement le paysage des relations industrielles […]

Vices cachés : dénoncer oui, mais à qui, quand et comment? La Cour d’appel répond

Le 26 septembre dernier, dans le cadre d’un recours en vices cachés, la Cour d’appel dans Meyer c. Pichette (Succession de Morin), 2025 QCCA 1193, confirme un jugement de première instance ayant rejeté des actions en garantie portées contre des anciens vendeurs en raison du défaut de transmettre un d’avis de dénonciation suffisant avant la […]

Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit sur les réseaux sociaux…

Dans une décision récente, Boucal c. Rancourt-Maltais, la Cour supérieure revient sur les principes applicables en matière de diffamation. Faits La Défenderesse est membre d’un groupe Facebook privé nommé « Féministes Bas-St-Laurent ». Sur ce groupe, Mme Khadidiatou Yewwi aurait publié un témoignage concernant le Demandeur. Se disant interpellée par ce témoignage, et ayant elle-même eu vent […]

La fenêtre de la discorde et les policiers

Dans l’affaire Souccar c. Pathmasiri rendue le 11 juin dernier, la Cour supérieure a été appelée à se prononcer sur une poursuite en responsabilité civile fondée sur une arrestation et une détention alléguées comme abusives. Ce litige trouve son origine dans un différend de copropriété à propos de la pose de fenêtres. L’intervention policière En […]

À même approche, même résultat… Encore une fois!

En juin dernier, nous avions publié une infolettre relativement à la décision Michel Grenier c. Me Julie Charbonneau, Roger Picard et Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec. Cette décision faisait suite à la présentation par les Défendeurs de Demandes en irrecevabilité et rejet, lesquelles ont été accueillies en première instance. Au moment […]

Obsolescence programmée : elle sera peut-être du passé à partir du 5 octobre 2025

Alors qu’un lave-vaisselle des années 1980 fonctionne encore, celui tout récent menace de rendre l’âme à chaque cycle! La venue en 2023 de la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens1(ci‑après la « Loi contre l’obsolescence ») modifiant ainsi la Loi sur la protection du consommateur2 […]

Soyez les premiers informés

Abonnez-vous à nos communications