Le 28 mars dernier, notre cliente, défenderesse, a obtenu gain de cause dans l’affaire Kabeya c. Compagnie d’assurance-vie RBC [RBC], 2022 QCCS 1035. Dans cette décision, le Tribunal conclut à la nullité d’une police d’assurance-vie en raison d’une fausse déclaration de l’assuré sur son statut de citoyenneté canadienne. La Cour se penche également sur l’opportunité de recourir à un formulaire simplifié au moment de souscrire la police d’assurance-vie, par opposition à une proposition d’assurance plus détaillée, tout en reconnaissant la matérialité de la fausse déclaration dans l’appréciation du risque par l’assureur.
Les faits
Le 6 novembre 2015, l’assuré, originaire de la République démocratique du Congo, arrive au Canada à titre de demandeur d’asile. Le 5 juillet 2016, il signe une proposition pour une assurance-vie temporaire auprès de RBC. On utilise alors un formulaire simplifié, de préférence à un autre formulaire plus élaboré. À la question « Êtes-vous citoyen canadien? », l’assuré répond par l’affirmative.
Compte tenu de cette réponse, d’autres questions comme celle de savoir s’il est résident permanent et à quel moment il serait arrivé au Canada ne sont pas posées. La proposition est complétée par une conseillère en assurances en présence d’une collègue, sur la base des informations fournies par l’assuré, et la police d’assurance-vie est émise le jour même. Le 30 août 2016, l’assuré reçoit copie de la police et en accepte les termes.
Le 18 mai 2017, l’assuré décède de causes naturelles à l’âge de 27 ans.
Comme il s’agit d’une réclamation pour un décès survenu au cours des deux ans suivant l’entrée en vigueur de la police, l’assureur procède à la vérification de l’exactitude des informations fournies dans la proposition. Il apprend alors que l’assuré n’était pas citoyen canadien au moment de la signature de la proposition, contrairement à ce qu’il avait affirmé, mais plutôt un travailleur étranger qui résidait au Canada en vertu d’un permis de travail temporaire.
Le 9 février 2018, le demandeur, père de l’assuré, à titre de bénéficiaire de la police, est informé que la police est résiliée en raison de la fausse déclaration de l’assuré. Puisque l’assuré n’était pas citoyen canadien, il ne pouvait prétendre à la couverture d’assurance recherchée et, par conséquent, la réclamation de 150 000 $ est refusée.
Décision
De l’avis du Tribunal, l’assuré a répondu de manière inexacte tant à la question portant sur sa citoyenneté qu’à celle sur son séjour ou sa résidence à l’extérieur du Canada au cours des 12 mois précédents. Le Tribunal est également convaincu de la matérialité de la fausse déclaration sur l’appréciation du risque, tant par RBC que par tout autre assureur raisonnable, conformément à l’article 2408 du Code civil du Québec [CcQ].
La preuve a révélé que la divulgation du statut de travailleur temporaire de l’assuré au moment de la proposition aurait mené au refus immédiat de sa demande d’assurance. Un preneur qui, à l’instar de l’assuré, n’est ni citoyen canadien ni résident permanent aurait fait l’objet d’un refus direct. Cette politique est conforme à celle de l’industrie et aux normes de tarification d’autres assureurs.
Le demandeur reprochait de plus à l’assureur d’avoir eu recours au processus simplifié, et soutenait que si un formulaire plus élaboré avait été utilisé, l’assuré aurait très certainement divulgué son statut temporaire. Il soutenait également que les conseillères rencontrées auraient volontairement inscrit une fausse réponse aux questions.
Ces prétentions n’ont pas été retenues par le tribunal. L’utilisation d’un formulaire simplifié est répandue dans l’industrie, particulièrement dans le cas d’un jeune homme sans problème de santé apparent, et compte tenu du montant d’assurance recherché. Il faut souligner que le formulaire simplifié inclut, à même les questions posées, un exercice de tarification. En l’absence de réponses problématiques, le risque est jugé acceptable, eu égard au filtre initial de la qualification d’usage de ladite proposition, et le preneur est ainsi automatiquement assuré.
La Cour conclut aussi que les questions figurant à la proposition ont été posées textuellement et les réponses inscrites sont celles données par l’assuré. Les questions étaient objectives, claires et sans ambiguïté et ne nécessitaient pas une appréciation subjective de la part du preneur.
Dans la mesure où l’assuré affirme sa citoyenneté canadienne et nie avoir séjourné à l’extérieur du pays au cours des 12 mois précédents, il n’incombe pas à l’assureur de procéder à des vérifications supplémentaires et de faire des enquêtes. Le Tribunal rappelle le principe fondamental de la bonne foi du preneur, sur lequel l’assureur est en droit de se fier, et conclut que l’information nécessaire à l’appréciation du risque se trouvait dans les réponses au questionnaire de la proposition. En donnant une réponse erronée, l’assuré a privé son système de traitement du déclenchement d’un red flag, soit le système d’alarme qui déclenche le réflexe de faire enquête. À noter que l’intention de l’assuré d’induire ou non en erreur l’assureur n’était pas pertinente, puisque la police était en vigueur depuis moins de deux ans.
À la lumière de ce qui précède, le Tribunal déclare la nullité ab initio de la police d’assurance-vie souscrite par l’assuré. L’assureur était donc bien fondé à demander l’annulation ab initio de la police d’assurance en application de l’article 2410 CcQ.