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DANGER pour les assureurs qui contestent une Wellington en cas d’engagement formel

Une requête de type Wellington présentée par un assuré en cours d’instance vise à forcer l’assureur d’assumer sa défense sans attendre une décision sur le fond du litige. Il s’agit en quelque sorte d’un recours du type d’une injonction en cours d’instance. Habituellement, la contestation par l’assureur d’une telle requête n’aura pour toute conséquence, en cas d’échec, que de le forcer à assumer la défense à ses frais en faisant appel à ses propres avocats. Toutefois, dans le cas où l’assureur soulève non pas une interprétation de la police eu égard aux allégués de la poursuite, mais plutôt le défaut de respecter un engagement formel de l’assuré, il existe un danger réel additionnel pour l’assureur qui conteste.

C’est ce qu’un assureur a récemment appris à ses dépens dans Promutuel, Vallée du Saint Laurent, société mutuelle d’assurances générales c. Couvreurs Dubuc inc., 2020 QCCS 122. La Cour d’appel avait déjà statué en 2010 sur une requête pour permission d’appeler dans l’affaire Lloyd’s of London Canada c. Entreprises de rénovations Pareco inc., 2010 QCCA 1613 qu’un assureur ne pouvait faire échec à une requête de type Wellington en invoquant sans encore l’avoir prouvée la violation d’un engagement formel, particulièrement eu égard à des travaux de soudure et aux exigences de la garantie.

Dans la décision que vient de rendre la Cour supérieure dans l’affaire Promutuel précitée, l’assureur soulevait que durant des travaux de réfection à un immeuble, un employé de Dubuc (l’assurée) aurait quitté les lieux sans avoir surveillé ni contrôlé la température du toit, enfreignant ainsi un engagement formel. Un incendie s’ensuivit : Promutuel indemnisa ses assurés et, ayant été subrogée dans leurs droits, poursuivait maintenant Dubuc et Lloyd’s. Dubuc présentait une requête de type Wellington pour forcer Lloyd’s à assumer sa défense. Jusque-là, rien de bien particulier.

Le juge Vaillancourt fut d’avis que la contestation de l’assureur devait échouer, non seulement puisqu’une preuve était requise pour établir s’il y avait ou non bris d’engagement formel, mais qui plus est, que Lloyd’s aurait conclu prématurément avant même l’introduction du recours de Promutuel que Dubuc n’avait pas respecté ses engagements formels. Le juge fut donc d’avis que la décision de Lloyd’s ne découlait pas de son analyse des allégations de la demande introductive d’instance, mais découlait de sa propre enquête et elle reflétait donc l’opinion de ses représentants à l’égard de la conduite de Dubuc.

En raison de ceci, Dubuc a plaidé qu’elle avait perdu confiance en ses assureurs, qui avaient déjà déterminé qu’elle avait contrevenu à l’engagement formel.

En conséquence, la Cour supérieure fut d’avis d’appliquer un remède drastique « exceptionnel », c’est-à-dire de priver l’assureur de son droit fondamental de retenir les services de l’avocat de son choix pour assumer la défense de son assurée. Le jugement a ordonné à Lloyd’s non seulement d’assumer la défense de son assurée Dubuc, mais, de surcroît, de permettre à Dubuc de retenir les services de son propre avocat aux frais de Lloyd’s tant pour les frais à venir jusqu’à jugement final, mais également pour tous les frais encourus depuis le début y compris le coût de toutes les expertises.

Partant, il faudra tirer certaines leçons de cette décision pour éviter l’application de la sentence ultime soit la perte du droit de mandater son propre avocat.

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Auteurs

Patrick Henry

Avocat, associé

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