Droit des assurances

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Le feu rase l’immeuble : la faute des pompiers ?

Dans un arrêt du 11 avril 2025, la Cour d’appel a statué sur l’immunité relative pour l’intervention d’un service d’incendie municipal (Leduc c. Municipalité Durham-Sud).

Dans la nuit du 17 au 18 mars 2019, un duplex appartenant aux demandeurs, situé dans la municipalité de Durham-Sud (« Municipalité »), a été complètement rasé par un violent incendie. Les appelants reprochaient à la Municipalité et à son service d’incendie d’avoir été négligents en omettant de mettre en œuvre, en temps utile, les mesures pour éteindre un feu et en demandant qu’une excavatrice abatte la structure restante qui était saine.

Jugement de première instance

La Cour supérieure rejette la réclamation des demandeurs, retenant le témoignage crédible des intimés au détriment de celui des appelants. Elle conclut que le service d’incendie bénéficie d’une immunité relative en vertu de la Loi sur la sécurité incendie Loi »). Conformément à la Loi, la Municipalité disposait d’un Schéma de couverture de risques et avait adéquatement mis en œuvre les mesures qui y sont prévues. Aucune faute lourde ni négligence grossière, permettant de retenir la responsabilité malgré l’immunité, n’a été établie. En fait, l’intervention des pompiers fut qualifiée de prudente, diligente, professionnelle, sérieuse et attentionnée.

Le pourvoi en Cour d’appel

Les appelants soutiennent que la Cour supérieure a commis des erreurs de fait manifestes et déterminantes dans son analyse des fautes reprochées aux pompiers. La Cour d’appel n’est toutefois pas de cet avis et rejette le pourvoi.

La Cour d’appel souligne que la Cour supérieure a expliqué de façon succincte le régime de la Loi, conformément aux principes bien établis.

Immunité relative

Une municipalité sera exonérée de toute responsabilité, relativement aux interventions de son service d’incendie, dans la mesure où elle a adopté un plan de mise en œuvre du schéma de couverture de risque (« SCR ») et si elle a pris ou réalisé les mesures qui y sont prévues. En l’espèce, la municipalité régionale de comté avait effectivement adopté un SCR, lequel prévoyait deux principales mesures à mettre en œuvre : i) la force de frappe et ii) l’alimentation en eau.

La Cour d’appel ne relève aucune erreur manifeste et déterminante dans l’analyse de la Cour supérieure. Les appelants soutenaient que la force de frappe initiale se limitait à sept pompiers, alors qu’une intervention conforme aurait exigé la présence de onze pompiers en moins de vingt minutes. Or, la preuve a démontré que dix-sept pompiers étaient sur les lieux dans ce délai, et ce, malgré le fait que l’appel d’urgence ait été logé à 3 h 30.

Il en va de même pour l’analyse de la Cour concernant l’alimentation en eau, pour laquelle aucune erreur manifeste et déterminante n’a été prouvée. Les appelants reprochaient aux pompiers d’avoir omis d’utiliser la borne devant le duplex et d’avoir plutôt eu recours à une piscine et à des camions-citernes, ce qui aurait causé un retard et réduit le débit d’eau à 75 % tout au long de l’intervention. Toutefois, la Cour retient que la borne en question était non conforme en raison d’un débit inférieur à 1 500 l/min. Conformément au SCR, une méthode alternative suffisante peut compenser cette non-conformité, ce qui a été le cas ici avec l’utilisation de la piscine et de deux camions-citernes. La Cour conclut donc que la mesure relative à l’alimentation en eau a été adéquatement mise en œuvre.

La Cour d’appel conclut donc que la Cour supérieure n’a pas erré en concluant que l’intimée bénéficiait de l’immunité relative.

Faute lourde

Malgré l’application de l’immunité relative, une municipalité demeure responsable en cas de faute lourde. Outre les erreurs déjà alléguées, les appelants soutiennent que les pompiers ont interrompu les opérations d’arrosage pendant environ quinze minutes afin de leur permettre de récupérer des effets personnels. Ils reprochent également aux pompiers d’avoir rasé le reste de l’édifice, affirmant que cette portion n’avait pas été endommagée par le feu. La Cour supérieure avait conclu qu’aucune de ces fautes, même établies, ne se qualifierait de faute lourde.

La Cour d’appel constate que les appelants n’ont identifié aucune erreur manifeste et déterminante dans l’analyse de la Cour supérieure. Ils se limitent plutôt à demander à la Cour de réévaluer la preuve et de substituer son appréciation à celle de la Cour. Celle-ci s’était fondée sur les témoignages crédibles des intimés, par opposition à ceux des appelants, jugés exagérés et empreints d’émotion. La Cour, rappelant qu’il ne lui revient pas de substituer son appréciation à celle de la juge de première instance, conclut qu’aucune faute lourde n’a été commise par les intimés.

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