Le 7 juin dernier, dans l’affaire L’Unique assurances générales inc. c. Intact Compagnie d’assurance, 2021 QCCS 2916, la Cour supérieure a rejeté le recours subrogatoire de la demanderesse L’Unique visant l’application de la police d’assurance des chantiers émise par la défenderesse Intact en faveur de son assuré.
L’Unique (agissant en reprise d’instance pour Groupe Ledor inc., Mutuelle d’assurance) assurait en vertu d’une police d’assurance habitation la propriété de M. Frédéric Boivin située à Saint-Antoine-de-Tilly.
Quant à la défenderesse Intact, elle assurait en vertu d’une assurance de chantier de type formule étendue les activités de l’entreprise Les constructions Gagnon (1980) inc. [Gagnon] à titre d’entrepreneur.
Le litige qui oppose les parties dans la présente affaire découle du contenu et de l’interprétation de la police émise par Intact.
Les faits
Le 21 juin 2016, un incendie survient et les services de Gagnon sont retenus par Ledor afin d’effectuer des travaux de démolition sélective aux fins de l’évaluation des dommages. Il faut préciser que Gagnon n’a alors aucun contrat pour la réparation, non plus que pour la reconstruction, la rénovation, l’agrandissement ou la transformation du bâtiment. En effet, ses services sont retenus dans le but de permettre à l’assureur de constater l’état des lieux afin de savoir si l’immeuble est une perte totale et également pour permettre aux experts en sinistre d’identifier la cause et l’origine de l’incendie.
Le 4 juillet suivant, un second incendie se déclare, mais cette fois l’immeuble est une perte totale. Quant aux dommages, ils concernent uniquement les sections de l’immeuble qui existaient avant la prise d’effet de la police d’Intact et avant les travaux de démolition de Gagnon.
C’est dans ce contexte que Ledor a indemnisé son assuré, M. Boivin, pour plus de 500 000 $ et réclame à Intact le remboursement de l’indemnité versée.
La police d’assurance des chantiers
La police d’Intact couvre quatre situations dont celle applicable au présent dossier et visant l’affectation « Chantier global ». Cette garantie est décrite comme suit : « Biens assurés Bâtiment en construction y compris rénovation, agrandissement et transformation ».
Les « biens assurés » sont définis comme « Les biens […] en cours de construction ou d’installation et destinés à entrer dans l’ouvrage désigné […]. Sont également couverts les matériaux et fournitures non récupérables qui sont nécessaires audit ouvrage […] ». [Soulignements omis]
Et finalement, la police comporte une exclusion quant aux bâtiments existants à savoir, « les constructions fixes qui existaient avant la prise d’effet de l’assurance ».
Décision de la Cour supérieure
La Cour conclut que la police ne couvre par le sinistre :
- L’assurance des chantiers sert à couvrir les biens de Gagnon devant être incorporés dans une construction, rénovation, agrandissement ou transformation d’un immeuble et les matériaux nécessaires à ceux-ci;
- Compte tenu de la nature de la police et des termes utilisés tels qu’« en cours de construction ou d’installation », « entrer dans l’ouvrage désigné », « nécessaires audit ouvrage », il est indéniable qu’il faut des travaux de construction;
- Or, les travaux exécutés par Gagnon étaient de la démolition et aucun matériau n’avait été incorporé au bâtiment;
- La demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve, lequel consistait à démontrer que les biens endommagés répondaient à la description des biens assurés.
L’exclusion des constructions existantes
Quant à l’exclusion des constructions fixes qui existaient avant la prise d’effet de l’assurance, la Cour repasse quelques décisions récentes provenant des provinces anglophones et qui traitent de ce type de clause. Elle précise que cette exclusion s’applique et qu’il est par ailleurs déjà admis par les parties que les sommes réclamés à Intact visent la destruction d’une construction qui existait avant la prise d’effet de l’assurance.
Ainsi, la Cour a retenu la position de la défenderesse Intact voulant que la police d’assurance des chantiers ne s’applique pas en l’instance et a rejeté le recours exercé par la demanderesse.
